L'organisation coloniale au Dadès Todgha
Mis à jour : samedi 25 août 2012 11:48
L'organisation coloniale dans le Sud marocain,
le Glaoui, «bouclier» des forces coloniales
Etude de Mohamed el Manouar parue dans le journal marocain
Le matin du Sahara en mai 2005.
Le Glaoui fut chargé en juillet 1920 par l'autorité française de l'organisation et de la direction d'une harka dans le Todgha. Des structures de relais furent mises en place à Ouarzazate, Skoura, Lgoumt, Aït Seddrate et Tdught (Tineghir) ainsi que dans le Draa. Des khalifas issus de la tribu des Glaoua ou de certaines familles sûres furent nommés au niveau de ces mêmes structures. Des imgharen (pluriel d’amghar) défigurés en cheikhs, furent désignés parmi les nouveaux alliés.
La désignation des imgharen releva désormais de la compétence de la nouvelle autorité du Glaoui et non de l'ancienne ljmaât. La nomination était assortie d'une mission essentielle, celle des corvées et des charges.
Un exemple :
«Louange à Dieu,
Au cheikh Faska-U-Muh. Que le salut et la clémence de Dieu soient sur toi.
Nous te désignons responsable des Aït Tansghart.
Tu te charges de leurs corvées et tu es leur intermédiaire avec le Makhzen.
Soit vigilant. Que Dieu t'aide. Salut.
le 10 Joumada II de l'an 1343. Muhmmad b. Muhmmad».
Par ailleurs, les nouveaux imgharen nommés selon un découpage administratif précis s'appuyaient sur le concours de plusieurs mukallafin (du sing. mukallaf qui signifie : chargé de… ), terme arabe introduit dans la nouvelle nomenclature administrative, désignés au niveau de chaque village. Ils étaient les intermédiaires entre les populations et le nouveau Makhzen.
Il s'agissait de plusieurs mesures d'accompagnement nécessaires à la mise en place de la nouvelle autorité. Le système glaoua fondé principalement sur l'exploitation abusive et l'ilotisme exagéré des populations, surtout les moins loties, par des khalifas peu scrupuleux, a toujours eu recours aux harka «prétexte aux levées extraordinaires d'impôts, source de riches butins».
A partir du début de 1927, la situation ne fait qu'empirer. Les glaoua ont à faire face à une situation de crise dans le Todgha, événement corroboré par plusieurs documents. Le Glaoui avait noué des intelligences dans cette région notamment par le biais du «notable» Hadj ou Khihi qui, aussitôt élu avec la complicité du Glaoui, cheikh lâam de la confédération des Aït Atta, fut assassiné. A partir de ce forfait, les Aït Atta voisins de la région de Drâa furent en dissidence ouverte. Dans la région de Todgha, le tiers seulement de la population restait fidèle au khalifa du Glaoui, Saïd ou Tifount, installé à Tinerhir.
La dissidence de Todgha fut fomentée par les tribus environnantes : Aït Tseghrouchen, Aït Moghrad, Aït Haddidou et Aït Isha. Le chérif Zemmouri y prêcha la guerre sainte et envisagea d'attaquer le Glaoui qui ne lui cacha plus son aversion déclarée.
La ligne Dadès-Todgha, la principale artère, n'était assurée que par la fraction des Aït Bouwkniffen sous la conduite de Moh Dach qui «était à la solde de si Hammou» de Telouet. Le narcissisme dont faisait preuve Moh Dach lui valut l'inimitié de certaines de ses sous-fractions qui trouvèrent refuge chez Sidi Mha el Hansali. En finalité, le khalifa du Glaoui dans le Haut Dadès n'arrivait pas à asseoir convenablement son autorité.
Quant aux fractions des Aït Dadès, soumises en 1920, le souvenir des luttes ne s'était pas encore estompé. Une partie des Aït Mraou des Imgoun, sous la conduite de l'amghar Ichchu n-Utâtta, refusa de reconnaître l'autorité du caïd si Hammou.
Par ailleurs, l'agitation que connaissait la région de Todgha, hostile par atavisme au Glaoui, trouvait ses raisons d'être, selon les autorités françaises, dans la carence du front sud et dans la mauvaise organisation du commandement, «fief» du «Seigneur de l'Atlas». Les harkas levées par le Glaoui pour assiéger les tribus et les châtier n'étaient, en fait qu'un palliatif, pour le moins évanescent. «Les harkas Glaoua ne sont évidemment plus ce qu'elles étaient en 1920. Leur capacité combative a fortement diminué. Les dissidents, par contre, étaient mieux armés et mieux entraînés».
Aussi, les autorités françaises furent acculées à envisager leur installation progressive selon un plan précis :
1- Installation à Ouarzazate d'un bureau des Affaires Indigènes avec le 35ème Goum mixte marocain.
2- Regroupement au Todgha de la Fezza du Dadès et du Todgha, avec un effectif de 224 fusils.
3- Création de plusieurs Makhzen auxiliaires de 100 hommes à El Kelâa des M'Gouna, de 70 hommes à Ouarzazate et de 100 hommes aux Aït Saoun.
4- Entretien de 150 hommes (partisans) au Ternata par le caïd si Hammou.
L'organisation territoriale et administrative de la région fut régie par un Arrêté du Ministre plénipotentiaire, délégué à la Résidence de la République française au Maroc (n° 205 A.P en date du 29 mai 1931). Le cercle de Ouarzazate comprenait sept bureaux des Affaires Indigènes : Ouarzazate, Telouet, Kelâa des M'Gouna, Boumalne, Imiter, Agdz et Taliouine.
Ces bureaux étaient chargés du «contrôle administratif» des tribus soumises à leur autorité, ainsi que sur «l'action politique à poursuivre».
Après la grande guerre, les autorités créèrent en mars 1930 le commandement des Confins algéro-marocains avec Bou Denib comme chef-lieu Celui-ci s'étendait sur Beni Ounif, Colomb-Béchar, la Saoura, le Tafilalet, les bordures de Ziz, et l'Est de Midelt.
L'occupation de Taouz s'est faite en mars 1931. Le 15 janvier 1932, le Tafilalet fut occupé après une série de combats contre Belgassem n’Gadi qui fut finalement contraint de se réfugier au Rio Del Oro dans la zone sous occupation espagnole.
L'objectif fixé était d'occuper le Tafilalet perdue pendant la guerre et de le relier au Ferkla, Todgha, Dadès et au Draa. Dans les confins, la pacification dut faire face aux Aït Hamou, Doui Meniâ et Aït Atta.
Afin d'assurer la sécurité des Confins algéro-marocains, le Protectorat dut occuper le pays Aït Atta situé entre le Tafilalet et le Drâa. Selon une lettre confidentielle en date du 3 août 1928 émanant du commandant supérieur des troupes du Maroc au Résident Général, le projet de pacification établi en 1927 devait s'échelonner sur une période de quatre années.
La première année devait être consacrée à l'occupation de l'Est jusqu'au Todgha. La conquête de l'Oued el Abid devait se faire pendant la deuxième et la troisième année. Quant à la quatrième, elle devait être consacrée à la «réduction de la grosse tâche de l'Atlas»: solution au problème des Aït Atta et occupation du Dadès et du Draa.
La pénétration coloniale s'est traduite par l'effritement progressif des anciennes structures traditionnelles. «Les chefs locaux (imgharen) furent remplacés dans les tribus par des caïds nommés par dahirs et de nouvelles assemblées de notables (ljma't), dépourvues de toute initiative, furent instaurées».
Les régions, administrées selon la politique des «grands caïds», échappèrent quelque peu à cette servitude française, mais en supportèrent une autre encore plus drastique. Les «grands caïds» continuaient à y régner et «à agir en potentats, avec une puissance accrue par le soutien français». Cette nouvelle forme d'administration permettait une «pacification à moindre frais», surtout que les différentes guerres d'occupation ne mettaient pas en jeu ni les vies humaines françaises ni leur prestige militaire.
L'organisation administrative coloniale dans cette partie du pays fut caractérisée par une dichotomie «conviviale» entre la puissance coloniale représentée par l'officier des Affaires Indigènes et le khalifa du Glaoui qui représentait le caïd en charge de cette responsabilité qui se trouvait tantôt à Telouet, tantôt à Ouarzazate, le chef-lieu de la région rattachée à la région militaire de Marrakech.
Malgré cette dichotomie, la réalité du pouvoir était détenue par l'officier des Affaires Indigènes, agent «mis à la disposition de la Résidence générale par le Ministère français de la guerre, sur proposition du résident général» (1). Ce dernier avait l'avantage d'agir doublement au nom du Protectorat et du Makhzen. Les compétences de l'officier des Affaires Indigènes étaient exorbitantes. Il participait et contrôlait toute la vie politique, sociale, économique et judiciaire de la circonscription dont il était en charge. Il était désigné par les populations locales sous l'épithète de l’hakem. Ce titre, comme l'a souligné A. Aouchar, «n'existait pas dans le Maroc précolonial».
Quant au khalifa du Glaoui, nonobstant sa liberté d'action, celui-ci était à la solde de l'autorité de contrôle qui lui laissait toute latitude d'administrer à sa convenance, empreinte généralement de beaucoup de zèle, les tribus qui étaient sous son commandement, pourvu qu'il n'obstrua pas la stratégie coloniale qui, précisément s'appuyait sur la docilité des nouveaux chefs locaux désignés et nommés en conséquence.
D'ailleurs, l'autorité de contrôle faisait abstraction de toutes les dérives de ces auxiliaires dont un des protagonistes du moment avait dit «…c'était un mal inévitable pour atteindre, à bon compte, une fin qui justifiait les moyens». Plusieurs documents, nous renseignent sur les principaux vecteurs de la politique coloniale dans cette partie du sud marocain. Sur le plan théorique, le traité du Protectorat visait «la restauration du pouvoir makhzénien» et le prestige du sultan.
Charles-André Julien note que : «D'entrée de jeu, l'Etat protecteur se servait de dés pipés. Laisser l'apparence du pouvoir aux souverains, tout en en conservant la réalité, présentait plus d'avantages pour les résidents que l'annexion par le gouverneur de l'Algérie».
Dans ce contexte, Jacques Berque souligne que «Le Maroc est un pays où le contrôle est un postulat administratif. On n'y parle jamais de contrôle de l'autorité mais d'autorité de contrôle». C'est ce que la nouvelle autorité appelait l'action politique.
Après les combats de Bou Gafer, l'espace du sud-est connaîtra une nouvelle organisation et de nouvelles structures de gestion. Cette nouvelle conception de l'espace va de pair avec la mise en application de mesures coercitives qui vont au-delà des anciennes structures de la société traditionnelle.
Les documents sont très précis. Ils renseignent sur plusieurs des aspects de cette organisation. En plus des multiples obligations dont on retient celles qui nous paraissent d'importance, les nouvelles autorités mirnt au point d'autres mesures.
Il s'agit de tout un assortiment dont l'objectif non avoué est de maintenir cette population dans un état constant de faiblesse et d'incapacité de nuire. Certains exemples montrent cette nouvelle organisation qui s'appuie essentiellement sur la nomination et / ou la confirmation de nouveaux chefs locaux et la création de nouvelles structures de gestion dont la fidélité pour la cause est incontestable.
Principaux aspects de cette nouvelle organisation :
Désarmement
Une sorte de lettre circulaire émanant du cheikh Muhmmad ben Hamid fut adressée aux dix mukallafin des Aït Hamou du Dadès. Il leur ordonnait de saisir toutes les armes du village. Le texte précisait les marques de fusil connues à cette époque. Toutes les armes devaient être acheminées au bureau des Affaires Indigènes. C'était une véritable manœuvre de désarmement de la population, chapitre assez connu de l'histoire du pays. D'ailleurs plusieurs régions ont connu cette mesure.
«Louange à Dieu,
A nos frères les Mukallafin cités en marge, que Dieu vous assure de sa protection et vous protège des pires calomnies, que le salut, la clémence et la bénédiction de Dieu le Tout puissant soient perpétuellement et en toutes circonstances sur vous et les vôtres.
Après cela, il faut absolument présenter toutes les armes dont disposent les habitants de vos villages respectifs au bureau de la Kelâa, le mercredi matin : il s'agit des armes suivantes : Tsâaiyya, Sasbu, Buchfar.
Evitez toute négligence à ce sujet, que Dieu vous aide. Salut.
Le cheikh Muhmmad ben Hamid al-Aissi, que Dieu lui accorde sa protection.
Celui qui aura lu ce message doit le transmette à son confrère. Celui qui ne se présente pas à ce rendez-vous, qu'il en assume la responsabilité».
Contrôle de la population
Trois manuscrits témoignent d'un contrôle intrépide de la population du Dadès. Le premier est une lettre adressée par le cheikh aux mukallafin des Aït Hamou les invitant à prendre contact avec les indigents qui habitent dans tous les villages et à les informer de la nécessité de se faire garantir et cautionner par une famille car, en cas de délit, il faut quelqu'un qui puisse répondre d'eux. Celui qui, devant l'impossibilité d'avoir ce protecteur, est sommé de quitter le village. Ce document précise qu'il s'agit d'une décision du Makhzen. Surprenante instruction qui cachait toute une problématique.
«Louange à Dieu,
A nos amis les mukallafin des Aït Hamou parmi lesquels Bassou ou Ali, Muhmmad ben Hamou n'Aït Saïd et el Massoud ben Lahcen, que Dieu vous accorde sa protection et son salut.
Après cela, il faut absolument que vous soyez vigilants quant aux indigents et pauvres qui habitent dans vos villages respectifs. Celui qui n'a pas un homme qui le cautionne, parmi ceux que vous connaissez, ne doit pas habiter votre village. Evitez toute négligence, car vous êtes les garants de vos villages. Il le faut absolument. Que Dieu vous aide. Salut.
Le cheikh Muhmmad ben Hamid al-Aissi que Dieu lui accorde sa protection».
Ce document complète ceux qui ont précédé et qui sont en relation avec la politique coloniale. Après avoir désarmé les populations, voilà que l'autorité, par l'intermédiaire des chioukh et des mukallafin, essaye de contrôler les habitants des villages et d'éliminer tout suspect qui viendrait se réfugier dans tel ou tel village. Remarquons que le contrôle se fait par les habitants eux-mêmes.
Pour qu'un étranger puisse s'installer dans un tel village, ce qui rompt catégoriquement avec les traditions d'hospitalité et de l'accueil, il était nécessaire d'avoir une caution responsable de la personne accueillie. Cette mesure était sans doute dictée par le mouvement de résistance qui envahissait tout le pays et dont la plupart des personnes recherchées trouvaient refuge dans des villages paisibles.
Un deuxième manuscrit, émanant du même cheikh, étaye le précédent et apporte un éclairage quant à la nature et au sens donné au terme «pauvres» objet de la première lettre. Celle-ci précise qu'il s'agit de personnes étrangères au village.
En effet, durant cette période difficile, plusieurs familles vinrent se réfugier dans des villages. Les causes en étaient multiples. Cette instruction consacrait une responsabilité collective, et c'était aussi une façon de créer la suspicion et le self contrôle chez ces villageois.
" Louange à Dieu,
A tous nos frères les mukallafin des Aït Hamou, notamment Bassou ben Ali al-Amjadi, Lhu des Aït Saïd et el Massoud, que Dieu vous accorde sa protection. Salut.
Après cela, il faut absolument que vous avertissiez tous les habitants de vos villages au sujet des étrangers qui habitent chez eux. Chacun doit se porter garant des siens. Celui qui ne peut le faire, doit les déloger. Telles sont les instructions de son Excellence le Capitaine Bertillet que je vous communique. Evitez toute négligence à ce sujet. Que Dieu vous aide. Salut. Celui qui a lu ce message doit le transmettre à son confrère.
Le cheikh Muhmmad ben Hamid al-Aissi que Dieu lui accorde sa protection».
L’analyse de ce document montre que celui-ci est assez nuancé. En effet, le premier spécifie les indigents et les pauvres. Celui-ci est de portée générale et intéresse tous ceux dont la fixation dans le village est récente. Cette mesure de sécurité et de contrôle montre toute la substance de la politique coloniale, prise ici dans un contexte précis, qui se construit de manière évolutive et progressive. C'était la tâche d'huile dont l'efficacité se jugeait par la «pacification» de tous ces territoires avec des moyens généralement insignifiants. Dans cette région, l'action politique, la connaissance du milieu et de toutes les alliances et les inimitiés étaient exploitées pour asseoir la pénétration coloniale.
Le contrôle de la population se faisait aussi au niveau de tous les déplacements. Un petit manuscrit précise que tous les départs vers le Gharb étaient désormais soumis à un permis de circuler délivré par l'autorité de contrôle. L'espace conquis était sous haute surveillance. Il s'agissait certainement d'un souci d'endiguer la «contagion» nationaliste.
Après avoir pris toutes les mesures pour surveiller les mouvements de populations à l'intérieur des villages, cette mesure venait compléter le contrôle des déplacements de cette même population à l'extérieur de la zone de compétence de l'officier des Affaires Indigènes. Cette mesure était d'importance car elle permettait de circonscrire les personnes qui voyageaient et qui pouvaient être en contact avec le monde citadin et toutes les influences que celui-ci pouvait avoir sur la région, surtout à un moment où le mouvement nationaliste et la résistance commençaient à s’intensifier dans les villes.
L'installation de l'autorité de contrôle s'est traduite aussitôt par l'institutionnalisation de différentes mesures dont les corvées, les charges du «makhzen», les impôts, et les gardes.
Les corvées
Plusieurs manuscrits sous forme d'instructions données par l'officier des Affaires Indigènes au cheikh qui les répercute sur les mukallafine des villages placés sous son autorité, renseignent sur la nature des travaux collectifs entrepris par la nouvelle autorité de contrôle ainsi que la nature des contributions des collectivités villageoises. Ces instructions écrites permettent de mieux affiner cette donne de la politique coloniale. Elles sont toutes relatives aux travaux rendus par la collectivité au profit de la nouvelle autorité.
Les gardes
Par ailleurs, le territoire est soumis à une procédure de gardiennage et de surveillance supportés par les habitants. Le texte suivant permet d'en montrer la teneur :
«Louange à Dieu seul, le 16 juin 1943.
A Lfaqir el Massoud ben Lahcen et Brahim ben Hamid, après le salut, avertissez vos hommes pour qu'ils montent la garde à Ighir n'Zetto et à Tabuharrut.
Le Makhzen nous a écrit et nous a averti que certains Allemands sont descendus dans la région de Ouarzazate. Certains d'entre eux portent les habits des chrétiens, d'autres ceux des musulmans. Quiconque aurait trouvé un suspect, qu'il l'arrête et le conduise jusqu'au bureau des Affaires Indigènes à el Kelâa. Le Makhzen lui réserve une grande récompense.
Vous assurez la permanence de la garde jusqu'à nouvel ordre. Salut.
Muhmmad ben Abdesslam du village Agafay, Dieu est son bienfaiteur, amen».
Les charges dues au Makhzen
Plusieurs documents attestent et confirment la mise en place d'un système d'imposition pour ces collectivités qui s'en acquittent malgré leur situation économique.
Quelques exemples :
- «Ceci est le montant de ce qui a été versé par les habitants du village Agafay et Aït Uttidir qui sont avec eux au titre des charges du Makhzen à savoir vingt cinq Mithqal et quatre uqiya. Etabli le 16 du mois de Chuwwal de l'an 1286 par le serviteur de Dieu, qu'il soit loué, Ali ben Hamed Buyzerguan, que Dieu lui accorde sa protection».
- « Louange à Dieu seul,
Notre brave ami el Massoud ben Lahcen du village de Tansghart que Dieu t'accorde sa protection. Salut.
Après cela, il faut absolument que tu convoques tous les gens de Tamalout pour se rendre à proximité de notre maison sise au village Aït Aissi, munis de leurs quittances de lferdh pour que son Excellence le chef du bureau des Affaires Indigènes communique à tout un chacun le montant de son impôt.
La présence est prévue demain lundi à 11h. Evitez toute négligence. Que Dieu vous aide.
Muhmmad ben Hamid al Aissi que Dieu lui accorde sa protection».
L'autorité chargée de la perception était celle du Protectorat français en relation avec les autres autorités existantes notamment celle des chioukh et des mukallafin.
Les contraintes collectives
Une des stratégies les plus concluantes du Glaoui : celle-ci, devant une quelconque insubordination, consistait en l'envoi d'un ou de plusieurs mokhaznis s'installer dans le village incriminé pour une durée indéterminée. Le village en question le ou les prenait ainsi que leur monture en charge.
En face de cette présence indiscrète, les notables du village intervenaient auprès du khalifa en offrant présents et cadeaux ainsi que les charges qui revenaient au Makhzen.
Un exemple :
«Au fqih très respectueux Sidi Muhammad ben Saïd Lakbir. Que le salut de Dieu le Tout puissant, sa clémence et sa bénédiction soient sur vous.
Après cela, il faut absolument relever les mokhaznis sur les habitants du village de Tansghart. Tel est notre message.
Le khalifa ben Rahhu. Nous vous demandons également de collecter l'impôt auprès de ceux qui ne l'ont pas encore remis. Salut».
Nouvelle autorité judiciaire
L'installation des nouvelles autorités du protectorat s'est traduite par la mise en place progressive de nouvelles structures de pouvoir. En plus de l'autorité de contrôle et de celle du système glaoua, le pouvoir judiciaire fut confié notamment au descendant de Moulay Abdelmalek.
Cette nouvelle organisation introduisit depuis lors des pratiques et des structures qui furent loin de résoudre les problématiques locales et qui n'émanèrent plus des processus de désignation et des domaines d'intervention que les anciennes structures tentaient de résoudre dans la proximité et dans la maîtrise des subtilités locales. Tout va craquer alors et se fendre.
(1) A. Aouchar : Colonisation et campagne berbère au Maroc.
Mohamed El Manouar
Historien, politologue, gestionnaire, élu communal, Muhmmad ou Muh n’Aït Lhu, n’Aït Taddart, dit «Mohamed El Manouar» est natif du village Amednagh dans le Dadès.
Après avoir servi dans l’Administration marocaine, à l’intérieur comme à l’étranger, pendant une trentaine d’années dans plusieurs secteurs, (administration, communication, financement) ! il a renoué avec sa passion d’écrire, sa passion de toujours.
Il est l’auteur d’une variété de contributions publiées dans la presse nationale et internationale. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages dont notamment : «Le Sud-Est marocain» (Phédiprint, Rabat, 2004), «Tamazight, la constitutionnalisation ou la mort» (Bouregreg, Rabat, 2006), «Tahmiddoucht, un regard qui traverse le temps» et d’autres encore qui paraîtront sous peu...
Le colonel Gaulis, chef du Cercle de Bou Malne
Source : extrait d’un récit du général J.L. Guillot, revue Koumia.
A partir de 1939, le colonel Gaulis commanda longtemps le Cercle de Bou Malne du Dadès; il ne quitta jamais Boumalne si ce n’est pour raison de service jusqu’à son départ à la retraite en 1946. Il était dans le Sud depuis les année 20 et il n’y avait pas de poste dans le Tafilalet qu’il n’eut occupé; entre autres, il resta longtemps à Goulmima.
Au fil des années, il était devenu une légende vivante du Sud et il jouissait d’un grand prestige auprès des Aït Atta qu’il avait, aux côtés de Bournazel, combattu au jebel Sagho, à Iknioun et au Bou Gafer.
Il aimait volontiers à parler de ces combats d’hommes. Un ascendant physique remarquable, sa haute taille, son regard d’un bleu limpide, ses longues moustaches rousses tombant en pointe, rehaussaient une autorité marquée de bonté et de courtoisie à l’égard de quiconque, fut-ce le plus humble des meskines, et bien entendu, reposant sur sa connaissance parfaite du milieu berbère de cette région où la politique des chefs avait été et restait très mouvementée.
A Boumalne, on était aux limites où s’exerçaient en sens opposé d’un côté l’hégémonie tentaculaire du Glaoui, de l’autre le persistant esprit d’indépendance des tribus et fractions du Dadès, du Todgha, du Mgoun et surtout du Sagho.
Le colonel Gaulis savait faire le partage et tenir l’équilibre tout en maintenant strictement ses interventions directes et ses distances vis à vis des uns et des autres. Jeu difficile, tout en finesse, et peut-être non exempt d’une consciente inertie. Sa méthode de commandement consistait à laisser agir ses collaborateurs et à ne pas se mêler de ce qui ressortait de leurs responsabilités propres, tout en les appuyant ou en les couvrant en tant que de besoins après coup.
A Tinerhir plus précisément, s’avivaient les tensions et les pressions entre les représentants du pacha de Marrakech, les khalifas, et les imgharen des Aït Atta. Surgissaient alors des difficultés hiérarchiques lorsque l’opinion du capitaine de Monts de Savasse, chef d’annexe, face au chef de Cercle penchait en faveur des “irréductibles” de la montagne. S’ajoutait à ce fond de tableau de confrontation, courtoise mais ferme, de deux fortes personnalités différentes et empreintes d’une haute conception du devoir, heureusement, il y avait deux autres annexes, oasis de paix !
D’ailleurs, en 1945, une première conséquence politique de cette situation de “frontière” fut l’absence totale du Makhzen chérifien de Rabat. Le Sud, territoire protégé, était une chasse gardée des puissances régionales ou locales, et des Affaires Indigènes. Quand il y avait nécessité, on organisait une rencontre entre tous les chefs d’annexe, à mi-route de Tinerhir et de Boumalne, au Ksar des Bou Iknifen où résidait l’amghar Asso ou Basslam des Aït Atta, l’ancien chef rebelle du Sagho. Au plan politique, cela ne conduisait nulle part et cela n’avait aucune importance lorsque d’autres sujets autrement plus graves, la sécheresse, la famine ou le typhus, requéraient toute l’attention des présents.
Je recherche des personnes ayant eu quelqu’un de leur famille en poste à Ouarzazate ou dans son “territoire”, autant militaire que civil. Si elles veulent témoigner, ce site est à leur disposition. Textes et photos seront les bienvenus. Évidemment votre participation passera sous votre nom.
Merci pour votre attention. Jacques Gandini.