En 1947, au début de l'exploitation de la mine de l’Imini, le minerai était transporté par des camions particuliers ou des camions appartenant à la CAT (Compagnie Autonome de Transport) rachetée par la suite par la CTM (Compagnie de Transports Marocains) ou des camions de la SOPEM, petite société dépendante de L'ONA, équipée de petits camions de marque Chevrolet.
Dans le même temps, l'ONA, Omnium Nord Africain, créa la STM, Société de Transport Minier, autorisée, par l'ONT, Office National des Transports, à ne transporter que du minerai, à l'exclusion de toute autre marchandise sauf celle nécessaire à l'exploitation des mines.
Sur un parc de surplus américain de la guerre 39-45, la STM acheta 150 camions de marque Mack NR 14, de 10 tonnes de charge utile.
Dans un numéro spécial consacré aux transports au Maroc, la revue Charge Utile Magazine propose une version différente : les camions auraient été acquis en Belgique à la fin de la guerre, d’où ils sont arrivés dans leurs caisses d’origine à raison d’une caisse par châssis, une autre pour deux cabines, une autre autre pour deux boggies arrière et une pour deux plateaux démontés.
Les ensembles, GMC + remorque, étaient conçus pour la montagne, dans le but d'avoir un ensemble le plus court possible. Le tracteur possédait deux trains de roues motrices à l'arrière et la remorque courte avec des flancs plus hauts, ne possédait qu'un seul essieu, d'où un avantage important dans les virages serrés, ainsi que pour l'usure des pneus. Les GMC n'étaient pas équipés de vérin pour lever la benne. Les camions étaient déchargés à la gare de Marrakech et les bennes étaient basculées par un portique, du même genre que celui du téléphérique d’Aguelmous.
Le chargement des camions s'effectuait par des goulottes le long du mur du carreau de la mine. Des ouvriers répartissaient le minerai dans la benne du camion, à la pelle à main directement du tas de minerai qui atteignait parfois une dizaine de mètres de hauteur.
Les camions passaient ensuite à la bascule pour la pesée du manganèse. Le chargement du convoi devait être exécuté le plus rapidement possible et 200 hommes étaient à la tâche.
La mine a employé à l'époque jusqu'à 2000 ouvriers.
En 1952, les camions pouvaient passer en continu sur deux files, sans avoir besoin que des ouvriers répartissent le minerai dans les bennes. Le convoi de Mack était en attente de chargement sous la trémie.
Les expéditions de minerai se faisaient à l’aide de camions lourds par un système de convoi roulant en convoi de trente véhicules, composé comme suit :
- un chef de convoi (européen) qui roulait en tête, avec une plaque "CONVOI" accrochée à la calandre du camion;
- suivaient les autres camions, pour la plupart conduits par des chauffeurs marocains;
- le dernier camion, portant une plaque "DÉPANNAGE" avait un mécanicien à bord et une énorme caisse à outils.
Au retour, le convoi partait à vide de Marrakech vers minuit pour arriver en début de matinée à Bou Tazoult.
Le plus spectaculaire, a été ce Mack qui, en loupant son virage, a dévalé le ravin en faisant des tonneaux et s'est retrouvé, sur ses roues, sur la route en contrebas, devant le chef de convoi étonné de le trouver là. Le chauffeur était indemne car le camion Mack, très robuste, avait une cabine ouverte en toile et les deux roues de secours placées verticalement derrière la cabine empêchaient tout écrasement. Cet accident, dans la descente du Tichka à Taddert, a marqué pendant longtemps les esprits; à l’endroit où le Mack s'est renversé, le tas de manganèse existe probablement toujours.
Témoignage :
“Lorsque j'habitais Aït Ourir je voyais souvent passer des convois d'une trentaine de camions qui transportaient le minerai de manganèse. Ils venaient de plus loin que le Tizi n’Tichka. Le premier camion avait un panneau "début de convoi" sur fond rouge, et le dernier, un camion avec grue de dépannage, un panneau vert "fin de convoi". Le minerai de manganèse était déchargé sur les wagons-trémies à la gare de Marrakech, pour être dirigé sur le port de Casablanca et embarqué sur les cargos. Ces convois s'arrêtaient toujours au Pont du Zat pour casser la croûte après le descente du Tichka qui devait être dangereuse avec des camions chargés à bloc."
Rick M.
A leur arrivée en remplacement des Mack, les camions GMC circulaient également en convoi, mais le trafic routier s'accentuant, le transport par convoi s’interrompit pour faire rouler les camions séparément les uns des autres.
En 1951, les expéditions de minerai atteignent 150 000 tonnes par an, soit environ 500 tonnes par jour. Le transport nécessita donc deux convois : un le matin et un l'après-midi. Sur la route très sinueuse, dépasser tous les camions du convoi était très dangereux, voire impossible.
Au début de l'ère des convois, les chauffeurs des Mack étaient inexpérimentés et les accidents furent assez fréquents.
En 1961, les expéditions atteignaient 300 000 tonnes pour l'année. Aujourd'hui le téléphérique n'existe plus, il fut démonté en 1975 pour en récupérer la ferraille. Certains avancent que ce téléphérique aurait été réinstallé quelque part en Afrique.
Au pont du Zat, il y avait deux restaurants, dont celui de Mme Reina. Le Coq Hardi, installé sur un terrain vendu par Mme Reina, a ouvert bien après l’Indépendance.
Vers 1950-1951, d’après une étude de terrain, commencée en 1932 par les militaires, le Protectorat étudie le projet de construction d'un tunnel ferroviaire sous l'Atlas, allant de la vallée de l'Ourika, jusqu'à Sour dans la région d'Agouim. Les études et les travaux de prospection commencent des deux côtés de l’Atlas, ainsi que sur les voies d'accès : le tronçon de route qui devait rejoindre plus tard l'entrée sud du tunnel en suivant la vallée de l'oued Tidili, fut même goudronné à cet effet depuis le carreau de Bou Tazoult jusqu'à Boulgir.
Carte d’époque : Le projet du tunnel permettant de rejoindre la vallée de l’Ourika apparaît sur la partie inférieure gauche de la carte avec sa route d’accès (en double trait) passant par Bou Tazoult. Plus au nord, et proche du Tizi n’Tichka, le tracé du futur téléphérique se distingue avec des points ronds le long d’une ligne brisée.
Quand l'ONA proposa, "sur ses fonds propres", la construction d'un téléphérique; le projet du tunnel fut alors abandonné. Uniquement équipé de bennes à usage propre au transport du minerai, l'installation de ce téléphérique, récupéré en Inde, se développa après bien des péripéties, sur 27 km de longueur à travers un relief particulièrement difficile, d’Aguelmous à Talatast dans la vallée de l’oued Zat avec une station d'angle à Aguedal-Tichka et une autre à Azgour.
En 1953, le téléphérique du Tichka était l'un des téléphériques les plus longs et les plus hauts qui existaient dans le monde, passant à 2 250 mètres d'altitude.
Les camions de la STM, amenaient le manganèse jusqu'à Aguelmous, puis d'autres camions reprenaient la navette depuis Talatast jusqu'à la gare ferroviaire de Marrakech.
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