A. 1931. Le douar Agouim
B. 1956. Le dispensaire et le centre de formation d'Agouim
Sa vocation. C'est en février 1938, alors que nous étions au Collège franciscain de Brive, que s'est précisée d'une façon quasi définitive l'orientation de vie d'André Dubernard, notre Frère Norbert. Nous venions d'apprendre la mort du Père Charles-André Poissonnier, emporté par le typhus, alors qu'il soignait à Tazert les pauvres atteints par cette horrible maladie.
Depuis son arrivée au collège de Brive, le 28 septembre 1936, venant du petit séminaire d'Agen, nous avions rapidement sympathisé, l'un et l'autre, et d'emblée nous nous étions orienté sur le Maroc, stimulés par la lecture de la vie du Père Charles de Foucauld. La spiritualité de Nazareth nous animait et nous nous demandions si nous pourrions la réaliser parmi nos frères franciscains au Maroc.
La vie et la mort du Père Charles-André à Tazert, ermite et infirmier à la fois, furent pour nous la révélation qu'il y avait, désormais, une manière franciscaine de vivre l'idéal du Père de Foucauld. Pour le Frère Norbert, le choix fut définitivement fait et rien ne put empêcher sa réalisation, avec cette volonté inébranlable qui le caractérisa toute sa vie. La route était tracée, en laquelle il discernait la Volonté de Dieu, et tout devait plier devant son accomplissement. Tout plia, en effet, et tout y concourut désormais.
Agouim fut, dans la droite ligne de Tazert, la preuve irréfutable de l'objectif entrevu au Collège de Brive. Voilà l'homme ! Cette volonté opiniâtre dépassant tous les obstacles, enracinée dans la conviction que Dieu voulait ça, fit du Frère Norbert un fondateur, un pionnier. Que ce soit ici, dans le quartier de St-Cyprien (Toulouse) avec les francs-pionniers, la pré-J.O.C. d'alors, avant son départ au Maroc, que ce soit à Marrakech avec les Compagnons Marrakchis, que ce soit à Agouim, le Frère Norbert alla de l'avant, créa, mit en place, suscita la sympathie, entraînant avec lui des collaborateurs.
L'oeuvre de sa vie. C'est à Agouim qu'il donna toute sa mesure. Après deux ans de présence à Tazert, il arriva dans le Sud Marocain le 13 avril 1953, avec le Frère Salvator Jeannin, afin de desservir les chrétiens qui travaillaient dans les mines du Sud. Il n'eut alors, de cesse de réaliser son rêve. Il choisit Agouim, un des villages les plus pauvres du Sud, à 1700 mètres d'altitude, non loin du fameux col du Tichka. Et alors que les autorités françaises du Protectorat étaient contre son projet, faisant tout pour l'empêcher et que l'autorité religieuse observait une neutralité bienveillante, seul avec le Frère Salvator, il construit un dispensaire, une chapelle et une maison. Le 12 mars 1956 il inaugura tout cet ensemble suscitant l'admiration de tous et en particulier de l'évêque d'alors qui n'en revenait pas et qui à partir de ce moment-là le soutint fermement.
Les malades ne cessant d'affluer au dispensaire, il se fait infirmier aidé du Frère Salvator mais il n'y a pas que des malades. Village déshérité, Agouim sollicite son zèle et petit à petit pour répondre aux besoins des populations et dans un souci de développement, il lance avec le Frère André, un centre d'apprentissage de menuiserie, d'où sont sortis une cinquantaine de jeunes, ayant tous maintenant un travail au Maroc, parce que qualifiés dans leur métier. Et avec les Sœurs franciscaines de Marie, dont Sœur Myriam, il créa plus récemment un centre de formation féminine où sont actuellement formées plus de 80 filles de la région. Impossible de l'arrêter, tant son souci des pauvres le hantait et son dynamisme l'emportait. Voilà rapidement résumée l'oeuvre de sa vie.
L'homme de Dieu. Ce fut un homme dans toute l'acception de ce mot. Volontaire donc opiniâtre, résolu, rude certaines fois. Il fallait que ça marche, il entraînait les collaborateurs, les essoufflait parfois. Il savait soulever autour de lui de multiples sympathies, toujours prêt à l'action, ne s'embarrassant pas d'arguties théologiques il allait droit au but, dépassant toute critique, capable de faire plier la volonté de Dieu à la réalisation de ses desseins. Un homme, oui et un véritable!
Volontiers taquin avec ses frères et sœurs franciscaines, il avait le geste délicat et savait faire plaisir. Sous une carapace rugueuse, il y avait une très grande sensibilité, celle même qui le rendit si attentif à la misère de ses frères marocains.
Cet homme avait un cœur, en cela il était bien fils de St François. Cet homme était aussi un homme de Dieu. Oh certes, il n'avait pas le tempérament à veiller des heures en prière à la Chapelle. Sa mystique passait à travers son action.
Il ne s'embarquait pas dans de longues dissertations spirituelles. Mais Dieu l'animait lorsqu'il soignait les maladies ou suscitait la promotion des jeunes de la région.
Dieu l'animait lorsqu'il défendait les ouvriers des mines d'Imini, de Bou-Azzer, de Bou Skour.
Dieu l'animait lorsqu'il poussait les chrétiens du Sud à l'amitié avec les Marocains.
Dieu l'animait au cœur de la petite fraternité franciscaine où frères et sœurs travaillent sans relâche pour et avec les pauvres du pays.
Dieu l'animait lorsqu'il envisageait de mettre en place ces derniers temps une coopérative pour que les gens du coin prennent en main leur sort et assurent un jour la relève.
C'était Dieu qui le poussait, l'Amour de Dieu le pressait.
Deux indices de sa profondeur spirituelle : Tous les jours il méditait la Bible en arabe littéraire et tous les jours il disait le Rosaire.
- L'Évangile dans la langue religieuse du pays.
- Marie dont la maternité virginale est reconnue et vénérée par le Coran.
Voilà les points d'appui de l'homme de Dieu que fut le Père Norbert.
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