Le Docteur Fernand Linarès
Fernand-Jean Linarès, né à Limeuil en 1850, termine ses études de médecine eu Service de Santé Militaire en 1874. A Oran, le 22 décembre 1877, le médecin-major de 2ème classe Linarès est nommé médecin de la mission en partance pour Oujda où il demeure deux ans avant de retourner en Algérie. Il est envoyé ensuite à Rabat. Le 6 septembre 1883, le commandant de Génie Levallois, le captaine d'Artillerie Berquin et le médecin-major Linarès se joignent à la méhalla qui accompagne le sultan Moulay Hassan dans son voyage à Marrakech, puis à Meknès, où ils se fixent avec le Sultan.
En 1893, du 24 juin au 18 décembre suivant, seul "roumi", Linarès accompagne le Sultan et ses ministres dans une expédition répressive et religieuse à la fois, au Tafilalet.
Quand Moulay Hassan décède le 8 juin 1894, Linarès est en congé en France. Il rentre au Maroc en septembre, porteur pour le nouveau sultan Moulay Abdelaziz de lettres du Président de la République. Il restera présent à la "cour" jusqu'en 1901.
En 1932, il publia Voyage au Tafilalet avec S.M. le Sultan Moulay Hassan.
D'après la thèse du docteur Jacques Bélanger, neveu du docteur Fernand Linarès : dr-linares-medecin-diplomate.pdf
Extrait de Voyage au Tafilalet avec S.M. le Sultan Moulay Hassan, pour la région de Ouarzazate
Vendredi 8 décembre. 48ème étape (marche 5 heures) de Skoura aux ksour Aït Bou Dellal.
Nous quittons le campement de Skoura à 8h.20 en nous dirigeant vers le Sud-Ouest, sur l’oasis de Skoura dans laquelle nous pénétrons à 8h.40 en suivant du Nord-Est au Sud-Ouest la ligne des ksour fort bien construits au milieu des palmiers.
A 9 heures, nous traversons l’oued Skoura, absorbé en grande partie par les séguias innombrables qui irriguent l’oasis. De 9h. à 9h.25, nous suivons le lit de l’oued qui oblique sensiblement vers le Sud-Ouest. A 9h.30, nous sortons de l’oasis et continuons notre marche vers le Sud-Ouest jusqu’à 9h.50. Alors nous franchissons un chabet très large qui descend vers l’oued Skoura. A midi, nouveau chabet allant dans la même direction.
Après ces quatre heures de marche, nous sommes chez les Aït Bou Dellal qui ont eu, il y a peu de temps, maille à partir avec leur Caïd, el Glaoui. L’emplacement désigné ne convenant pas pour le campement, on marche encore durant une heure et on dresse le camp sur un plateau dominant la vallée de l’oued Skoura et le long de laquelle s’échelonnent les ksour des Aït Bou Dellal.
Même sol que les précédents, alternativement calcaires sablonneux, caillouteux, schisteux. Le plus grand nombre des ksour Bou Dellal sont vides parce que les habitants, craignant d’être châtiés par le Sultan, ont pris la montagne.
Samedi 9 décembre. 49ème étape (4 heures à grande allure), des ksour Aït Bou Dellal à Tiffeltout.
Départ à 8h.20 en marchant directement à l’Ouest-Sud-Ouest et abandonnant la vallée du Dadès, qui s’infléchit vers le Sud-Ouest. A 8h.40, on traverse un petit oued ayant très peu d’eau, vallée marécageuse. Marche directe vers l’Ouest-Sud-Ouest jusqu’à 9 heures; Alors on oblique légèrement vers le Sud-Ouest, en regagnant peu à peu la vallée du dadès.
A 9h.30, nous sommes à la hauteur des ksour de Gallil, situés sur la rive gauche du Drâa. A 9h.45, nous passons devant le ksar d’Aourz construit sur la rive droite de l’oued près du chemin que nous suivons. Presque en face d’Aourz, sur la rive gauche, on aperçoit le ksar Telmeslat. A 10h.50, nous longeons la kasbah dite zaouïa de Sidi Athmane, bâtie sur la rive droite de l’oued. Dix minutes plus loin, nous voyons le tombeau cubique d’un saint quelconque.
A 10h.20, nous passons devant le ksar de Taourirt où réside un des frères du Caïd Madani el Glaoui. Ce ksar est d’une construction très soignées et artistique : bâti au pisé de chaux, les tourelles et ler pourtour des terrasses sont ornementés de moulures en ogives d’un effet gracieux.
A 10h.35, nous arrivons au ksar de Tameghzazate (1) et près duquel on voir, couronnant un mamelon, les ruines d’une kasbah construite par Moulay Sliman. En ce point, nous obliquons de nouveau vers l’Ouest, abandonnant définitivement la vallée d’Ouarzazate. Nous traversons l’oued Izarki (2) et allons camper vers le Sud-Ouest sur le plateau mamelonné de Tiffeltout, près des ksour dont les habitants ont refusé de payer les impôts réclamés par le Caïd.
Ce parcours de 4 heures, qu’il eût été intéressant de faire lentement en suivant continuellement le cours de l’oued, s’est effectué au contraire très vite au milieu d’une bousculade générale. On marche à toute allure, plus rien n’intéresse le Sultan et les gens de la colonne. L’observation précise des détails topographiques du chemin est rendu impossible (3).
Dimanche 10 décembre. 50ème étape (5h. de marche) de Tiffeltout à Msigher (Aït Imini).
On quitte Tiffeltout à 8 heures. La colonne se dirige vers le Nord-Ouest. Jusqu’à 9h.10, nous arrivons sur un plateau que nous traversons jusqu’à 9h.35. A ce moment, le plateau se termine brusquement et nous descendons dans une vallée profonde coupée au Nord-Ouest au Sud-Est par l’oued Zineb (4), sur la rive gauche duquel sont bâtis trois ksour. Nous suivons l’alignement des villages jusqu’à 10h. et nous traversons l’oued dont nous longeons alors la rive droite en montant vers le Nord-Ouest.
A 10h.15, nous franchissons les collines qui limitent la rive droite du Zineb, dans une vallée que traverse au loin à notre gauche (vers l’ouest) un autre oued qu’on dit être une branche de l’oued Zineb, ce qui est très vraisemblable. Des ksour sont bâtis le longe de cette branche, affluent de l’oued Zineb. Le chemin tourne de plus en plus vers le Nord-Ouest.
A 11h. nous passons devant d’autres villages Aït Zineb, et, à 11h.20, nous pénétrons dans une gorge étroite entre des collines caillouteuses. Nous suivons, toujours en marchant vers le Nord-Ouest, un chemin bien tracé et à 11h.45, nous prenons la vallée de l’oued Imini que nous remontons jusqu’à Msigher où nous arrivons à 12h.45.
Le long de cette dernière vallée, nous avons côtoyé le ksar de Medina, dont l’aspect architectural m’a vraiment surpris par son élégance. Je déclare, émerveillé, à mes voisins de route, dont Si Mohammed Seghir, que ce ksar a été bâti par ou pour une femme. “Qui te l’a dit ?” me répond le secrétaire pour l’Armée du Sultan, insensible à pareille vision. “Personne, dis-je, c’est la première fois que je passe dans cette région, mais cette construction a été certainement dirigée par une femme, - C’est vrai, reprend mon interlocuteur; c’est Lalla Halima, Sultane de ce pays du temps de Moulay Sliman, qui a fait bâtir ce ksar. Ne perdons pas de temps, je te raconterai plus tard son histoire.” La conversation tombe alors.
Nous voyons la zaouïa de Sidi ben Nacer dont les lignes ont vite reprise l’architecture habituelle. Nous trouvons encore trois ksour dits Aït Imini dont les habitants sont insurgés contre leur Caïd, Si el Madani Glaoui, sur le commandement duquel nous nous trouvons. Sans enquête, les trois ksour Aït Imini sont alors assiégés. La fusillade crépite et le canon tonne durant deux heures sans résultat appréciable. Au tableau, 15 à 20 morts ou blessés. Puis tout à coup silence, la paix est faite. On a donné satisfaction au Caïd contre les sujets; cela suffit. Charmant pays ! Mais les bêtes de somme du Makhzen, qui ne sont pour rien dans l’affaire, n’auront pas ce soir un grain d’orge à broyer.
(1) Etrange ce ksar tout de suite après celui de Taourirt et voisin du mamelon où se situa par la suite, la redoute de Ouarzazate.
(2) En fait l’oued Ouarzazate, l’oued Izerki est bien avant d’arriver au ksar de Taourirt.
(3) Ce qui peut expliquer la confusion notée ci-dessus.
(4) Assif Imini.
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