Mis à jour : vendredi 24 août 2012 15:16
En tant que “Commandeur des Croyants”, chef spirituel de l’Islam marocain, le Sultan, dès la déclaration de guerre, fit lire spontanément dans toutes les mosquées et tous les souks du Maroc une proclamation à ses sujets.
Après leur avoir rappelé la situation précaire de leurs pays en 1912, avant le traité de Fès, et les réalisations françaises dont ils bénéficiaient depuis lors, le sultan Sidi Mohamed les exhorta, dans les termes suivants, à se tenir résolument aux côtés des Français :
“
Il est de notre devoir le plus absolu de manifester au gouvernement de la France notre reconnaissance pour tout ce qu’il a fait pour nous. Et le premier qui faillirait au devoir élémentaire de cette reconnaissance serait indigne de nos ancêtres et enfreindrait les ordres du Créateur qui a imposé le devoir de la reconnaissance et celui de nous éloigner des ingrats.
A partir de ce jour et jusqu’à ce que les étendards de la France et de ses alliés soient couronnés de gloire, nous devons lui assurer un concours sans réserve, ne lui marchander aucune de nos ressources et ne reculer devant aucun sacrifice.
Nous étions liés à elle dans les temps de notre tranquillité et de son opulence et il est juste que nous soyons à ses côtés dans l’épreuve qu’elle traverse et d’où elle sortira, nous en sommes convaincus, glorieuse et grande !”
Fait méritoire, le loyalisme du souverain resta total dans la période de mai-juin 1940, où les hommes les plus optimistes commençaient à désespérer. Le général Noguès, Résident général, se trouvant à Alger où il exerçait le commandement en chef du théâtre d’opérations de l’Afrique du Nord, c’est à son délégué à la Résidence, M. Morize, que le Sultan fit cette déclaration :
“
Si la France était un petit pays de cinq ou six villes, si l’histoire du peuple de France ne datait que d’une cinquantaine d’années, Nous aurions des craintes justifiées pour votre avenir; mais votre pays étant l’immense et riche France que je connais si bien et l’histoire du peuple français étant de cette histoire qui force l’admiration, ce serait un crime que de douter des destinées de la France.
Tous les peuples ont subi des revers au cours de leur histoire, mais c’est dans la réaction contre l’adversité qu’ils font preuve de leur vitalité et de leur valeur. Le Sultan est l’ami de la France, donc tout le peuple marocain est ami de la France.”
Le 29 août 1939, une délégation nationaliste composée de Mohamed Ghazi, Ahmed Cherkaoui, Boubker Kadiri et Ahmed Ben Ghabrit remit au Résident général une déclaration l’assurant de l’appui des jeunes Marocains en cas de conflit armé avec l’Allemagne.
Quand, plus tard, le gouvernement de Vichy donna l’ordre d’arrêter les Juifs au Maroc, le Souverain réagit vigoureusement : “
Les juifs du Maroc sont Nos sujets, au même titre que les musulmans, ils ne seront ni arrêtés, ni inquiétés !”.
La période douloureuse : 1940-1942
Le 1er novembre 1940, le gouvernement de Vichy, dans son souci de politique de camouflage de l'Armée française, dissout le corps des Affaires Indigènes et celui des Affaires Militaires Musulmanes et crée le Corps de Contrôle des Affaires Indigènes.
Le képi bleu ciel est remplacé par une casquette kaki rappelant assez celle des contrôleurs civils. Les appellations militaires sont supprimées : on ne dit plus le capitaine X... ou le lieutenant Y... mais le contrôleur de 1ère classe X..., l'adjoint de 2ème classe Y.... La hiérarchie spéciale des Affaires Indigènes est la seule conservée.
Les mehallas créées en août 1940, comme unités de police chargées d'assurer l'ordre et la sécurité en tribu (afin, par ce biais, d'échapper à la réduction des effectifs de l'Armée française exigée par les Allemand) sont également démilitarisées. Les officiers des mehallas (goums et makhzen) sont des contrôleurs , les sous-officiers sont des agents des Affaires Indigènes.
C'est du camouflage, mais en fait rien n'est changé : dans les Postes, les Annexes, les Cercles, les Régions, dans les goums et les makhzens, les officiers des A.I. devenus civils, en apparence, continuent de remplir leur mission avec le même travail quotidien. En fait, la mission de l'officier des A.I., sous le vocable de contrôleur, s'est encore accrue. A sa mission permanente, relative à l'application du Traité de Protectorat, vient s'ajouter une autre, inhérente au présent : accroître clandestinement le potentiel militaire des Forces françaises, aux fins de reprendre un jour les armes contre l'Allemagne.
Dans les Bureaux, dans les Territoires civils comme dans les Territoires militaires, des armes en grande quantité sont cachées. A ce travail de camouflage, qui comporte un risque sérieux pour les intéressés, participent activement les contrôleurs civils. Preuve de la fidélité et de la confiance des Marocains, aucune dénonciation ne sera fait auprès de la Commission d'Armistice allemande.
« Vingt mille armes individuelles avec 21 millions de cartouches, 60 canons, 200 mortiers, 4000 armes automatiques, 200 000 coups de 75, 250 camions, 50 porte-chars, 10 chars H-35, avaient disparu dans la nature avant l'arrivée des commissions allemandes et italiennes. Des canons de 105 furent dissimulés dans des grottes presque inaccessibles, des tonnes de munitions dans un poste du Moyen Atlas, 23 chars Somua furent envoyés en A.O.F. Tous les véhicules qui auraient pu tenter les Allemands s'étaient volatilisés, même les camions-citernes venus des Etats-Unis et encore en caisses ; on camoufla également les machines-outils et d'importants stocks de métaux bruts tels le nickel, le cobalt, constituant les cargaisons de navires réfugiés au Maroc en juin 1940. Aucun de ces dépôts clandestins ne sera découvert, en dépit des investigations des Commissions d'armistice, disposant de moyens sonnants et trébuchants, ou autres, pour obtenir des renseignements de la part des indigènes. » Général Guillaume