Mis à jour : mardi 5 avril 2011 18:26
Malgré erreurs et maladresses volontaires ou non, malgré vexations et frustrations, le Maroc doit à la France sa pacification, son évolution, sa modernisation et surtout son unité.
Sans nier le caractère complexe des individus comme des sociétés, on pourrait, pour schématiser, dire que le Maroc du Protectorat a connu deux catégories de Français, qu’il importe de bien distinguer : ceux qui firent “le bien” et les autres. Les premiers se comptèrent, en général, parmi les militaires, les hommes et les femmes des services médicaux et du corps enseignant; à ceux-ci le Maroc conserve reconnaissance et admiration. Ils ont pacifié et organisé; ils ont fait naître et grandir l’amitié; ils sont venus et ont donné; ils sont partis et n’ont rien emmené, comme l’a souligné dans un discours feu le roi Hassan II, un discours qui fit chaud au cœur de beaucoup d’anciens.
Malheureusement, parmi les autres, à côté des colons sérieux et honnêtes, on a vu aussi des aventuriers, venus mains et poches vides exploiter des terres appartenant aux “indigènes” et, parfois traiter ceux-ci comme des serfs au travail des champs pour le seul profit de leurs nouveaux seigneurs. A côté de spécialistes compétents, on trouvait aussi quelques fonctionnaires bornés qui, sans s’en rendre compte, faisaient le jeu des adversaires de la France et allaient perdre par leur maladresse ce qu’ils avaient acquis malgré leur incapacité.
Que reste-t-il du travail de quarante années de Protectorat ? Un résultat a deux volets : l’un matériel, l’autre sentimental, moral et spirituel. En effet, on peut apprécier l’œuvre magnifique réalisée par le Génie militaire, la pacification, l’unification du pays et surtout la santé, une œuvre fière et belle; nul détracteur ne peut l’effacer. Si le Maroc garda un excellent souvenir du travail français, les Marocains en conservèrent un moins bon de certaines actions gouvernementales ou de la conduite de l’administration de l’après Lyautey. Si le Marocain eut un souvenir affectueux, nostalgique du médecin, de l’instituteur, il ne regretta ni certains colons, ni leurs officiels soutiens français et souvent marocains, ni la faune des petits profiteurs qui, bien souvent, gravitaient autour d’eux. Dans la mémoire marocaine, une place privilégiée fut longtemps réservée aux officiers des Affaires Indigènes, des hommes de terrain, du bled, servant en pays nouvellement soumis et non touchés par la colonisation. Chargés d’une noble mission, ces jeunes officiers s’y adonnèrent, se donnèrent et donnèrent avec la générosité d’un cœur simple et pur. Accompagnés de leur inséparable ami, le toubib militaire, ils accomplirent des merveilles et tissèrent tout un réseau d’amitiés, bonnes pour eux mais aussi pour la France. Ayant laissé un souvenir ineffaçable, leurs noms furent longtemps évoqués malgré vents et marées, parce qu’ils travaillèrent avec le cœur et la tête. L’amitié franco-marocaine a été judicieusement plantée avec des racines solides. Le vent de l’histoire l’a secouée mais non détruite, les Marocains d’aujourd’hui en récoltent les fruits sans le savoir...
D’après le colonel marocain Bel Madani, dans son livre Coupable de fidélité, NEL 1990.