En 1917, un reportage du journaliste Ernest Vaffier développe sur 14 pages et sous le titre : Une grande famille marocaine : Les Glaoua, une histoire de la célèbre famille qui a beaucoup compté dans la politique marocaine au cours de la première moitié du XXe siècle. Une dizaine de photos et de dessins, signés de sa main, illustre le texte.
Vaffier, présent à Lalla Maghnia en Algérie, a fait connaissance de Si Madani el Glaoui en 1903 à Oujda, où il le vit arriver avec une importante harka dont il était un des chefs. C’était à l’époque où le Rogui Bou Amara menaçait dangereusement à la fois la ville de Fès et le trône du jeune sultan Moulay Abd el Aziz. Le Makhzen, affolé après des mois d’insouciance, avait constitué une puissante méhalla en faisant appel à tous les grands caïds du Maroc, et Si Madani y avait loyalement répondu, équipa,t plus de quinze cents montagnards, dont il avait pris lui-même le commandement. Son khalifat était son jeune frère, si Thami, débutant dans la carrière de la “poudre” et qui devait bientôt devenir un des premiers hommes de guerre du Maroc. L’inexpérience des chefs de cette méhalla, la veulerie de quelques-uns, leur mésentente, les avaient acheminés vers une sérieuse défaire dans la région de Taza et, leur coupant toute retraite vers Fès, le Rogui victorieux les avait obligé à se replier vers Oujda et la frontière algérienne. Dégoûté par cet échec, fixé sur l’impuissance du Makhzen et sur l’impossibilité de l’en sortir, Si el Madani ne pensa plus qu’à renvoyer ses montagnards chez eux et à les y rejoindre le plus tôt possible. Comme il leur fallait s’embarquer à Oran pour Tanger, Vaffier se mit à leur disposition et tous ces braves Berbères lui passèrent par les mains à Lalla Maghnia, pour les permissions dont ils avaient besoin et les indications qui leur étaient nécessaires pour voyager sur le territoire algérien.
“Je dois dire que j’accomplis cette besogne gratuitement avec beaucoup de plaisir, parce que ces Berbères de l’Atlas, avec leurs manières sauvages, leur habitude de toujours gueuler, avaient gagné ma sympathie par leur franchise brutale et surtout par l’attachement aveugle dont ils faisaient pour leur caïd. Mais, par-dessus tout, c’était le caïd lui-même qui avait fait ma conquête. Arrivant du Maroc si lointain au seul d’un pays civilisé, au seuil de cette Algérie musulmane organisée et gouvernée par des conquérants français, il ne cessait de manifester la plus grande curiosité de tout connaître, de tout savoir, avec une subtile intelligence où sa délicatesse mettait toujours une discrétion charmante. Il resta pendant plusieurs mois à Oujda et regagna enfin tanger avec les deux cents derniers Chleuhs de sa harka, sa garde habituelle, celle qui ne le quitte jamais lorsqu’il s’éloigne de ses casbahs du Sud. D’oujda à Oran, il s’arrêta à Lalla Maghnia, à Tlemcen et à Sidi-bel-Abbès. Partout les autorités militaires françaises, qui sont toujours prévoyantes et qui connaissent l’importance de ce personnage marocain, lui firent le meilleur accueil en lui rendant des honneurs auxquels il fut très sensible. Je n’oublierai jamais notre séparation à Oran, sur le bateau qui l’emmenait à Tanger : comme je le saluais, il me prit dans ses bras, m’embrassa en me disant : - Jamais je n’oublierai ce que toi et les Français ont fait ici pour moi... mon pays sera désormais le tien... le vôtre... Deux larmes glissaient de ses grands yeux...”
Ainsi débutait son article sur la famille glaoua qui n’oublia jamais Ernest Vaffier, autant Si Madani que plus tard Si Thami el Glaoui. Cela lui permit d’être un des premiers Français à aborder leur domaine et d’y être reçu partout. Bien que le texte s’arrête à ses visites à Telouet, des dessins, signés de Vaffier, représentent les kasbah d’Aït ben Haddou et de Ouarzazate. Donc, avant ou en 1917, il a sûrement eu l’occasion de s’y rendre.
Erreur, ce n'est pas la kasbah de Tikirt mais une photo prise du haut de la kasbah des Aït ben Haddou.
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Remerciements
Merci à Madame Balmigère, à Madame Decordier, à Monsieur Lafite, à Madame Kerhuel et à Pierre Katrakazos pour avoir accepté de mettre leurs archives familiales à disposition. Sauf indication contraire, les documents reproduits font partie des archives de l’auteur.