A l’origine, un dahir chérifien avait permis aux chefs de la tribu des Glaoua d’étendre leur commandement jusqu’au Moyen-Draa. Il confirmait une situation déjà acquise par l’habileté et l’énergie de ces personnalités berbères toujours soucieuses d’étendre leurs domaines en même temps que leurs revenus. L’intéressante position de Telouet, fief de la famille Glaoua, à plus de 2000 mètres d’altitude et à quelque 125 km de Marrakech, jouissait en outre du privilège de commander la piste la plus praticable pour aller de Marrakech jusqu’au Ouarzazate et bifurquer de là vers le chapelet des oasis du Draa et du Tazarine d’une part, du Dadès, du Todgha et du Ferkla d’autre part.
Il fait ensuite une reconnaissance de dix jours à l’ouest de Telouet, dans le Tidili, la haute vallée du Tifnout, le Haut Souss, puis il descend par le Tizi n’Ouicheddene dans la vallée du N’fis d’où il regagne Marrakech. Il a avec lui le docteur Routhier, médecin-chef de l’hôpital indigène Mauchamps, à Marrakech, l’ingénieur des mines Nelter et un officier topographe.
“Une meurtrière épidémie de typhus sévissait alors à Marrakech et dans la plaine du Souss. Le bruit s’était répandu qu’elle avait son origine en commandement Glaoua, dans le Tifnout. pourquoi ne l’avais-je pas signalé ? La Résidence s’en était émue et le Dr Routhier avait été prié de faire l’enquête qui devait me confondre. Nous ne trouvâmes trace nulle part de typhus, sauf dans le Souss, qui n’était pas en pays Glaoua, et à Marrakech, bien évidemment. Aussi demandai-je dans mon rapport qu’on prît d’urgence des mesures pour mettre les tribus du dit commandement glaoua à l’abri de la contagion venant de l’extérieur.”
Extrait du livre de G. Spillmann : Souvenirs d’un colonialiste.
En novembre 1927, Spillmann effectua une seconde reconnaissance de quinze jours, de Telouet à Bou Malem (Boumalne) du Dadès, par Taourirt de Ouarzazate. Il était accompagné du lieutenant de vaisseau Robert Montagne, professeur à l’institut des Hautes Études Marocaines, du médecin du groupe sanitaire mobile de Marrakech et du lieutenant Jean-Théophile Delaye, du service géographique du Maroc, dessinateur de talent. Le but de la mission était de reprendre contact avec des populations qui n’avaient pas été visitées depuis 1920, de se renseigner sur la situation des Glaoua dans leur zone d’influence, de rechercher des terrains d’atterrissage au Dadès. Cette reconnaissance de contact avec les tribus locales faillit bien brouiller Spillmann avec les Glaoua. En effet, dès son retour à Rabat, le lieutenant Delaye avait envoyé à son insu, un article au journal l’Illustration, qui s’était empressée de le publier. Il y était dit qu’un jeune officier des A.I. menait à la barbe des seigneurs de Telouet une politique fort habile qui ralliait à la France des populations lasses des exactions dont elles étaient victimes. Le pacha de Marrakech, on le conçoit aisément, prit fort mal la chose et il fallut l’intervention du général Huré, chef de la région militaire de Marrakech, auprès du Pacha pour calmer l’affaire.
Laissant son adjoint, le lieutenant Beaurpère, comme chef de poste de Telouet où il fut en charge de créer le 36e Goum, Spillmann partit à la fin de l’hiver 1928 pour Taourirt avec le 35e Goum et un convoi civil de 250 chameaux transportant les vivres et les munitions du nouveau poste à construire. Il choisit pour l’installer une colline au sommet plat, en bordure de l’oued, à un kilomètre du ksar de Taourirt, et où se trouvaient les ruines d’une ancienne forteresse des sultans. Trois des épais murs de l’enceinte fortifiée étaient encore parfaitement utilisables.
En liaison directe par radio avec Marrakech, Spillmann commença la construction du poste en même temps qu’il faisait préparer un terrain d’aviation non loin de la kasbah de Taourirt du khalifat de Si Hammadi el Glaoui, pacha de Marrakech, avec lequel il était parvenu à être en bons termes.
Dans le camp, au sommet de la colline qui dominait l’oued, on installa une batterie d'artillerie; au dessous des tentes avec les tirailleurs sénégalais, les légionnaires et les goumiers; derrière ces tentes on parqua les animaux et on ouvrit un petit marché pour les échanges commerciaux avec les autochtones…
Ce camp, au fil des années, fut évidemment construit en dur.
Les premiers objectifs du Poste de Ouarzazate étaient de protéger les convois, renseigner et rallier les tribus. Dans le cadre de l’organisation du bureau des Affaires Indigènes, le lieutenant Spillmann reçut comme adjoint, le lieutenant du Plessis de Grénédan avec qui il regroupa les hommes de la fezza du Dadès et du Todgha à Tinerhir pour appuyer le khalifat du Glaoui, fort menacé par les tribus locales, et il installa une garnison de 100 partisans à Kelaa des Mgouna.
Pendant ce temps, le lieutenant Paulin, secondé par une compagnie de sapeurs-pionniers de la Légion, poussait activement les travaux de la piste auto-cyclable (1) du col du Tichka en direction de Ouarzazate qu’il devait atteindre en décembre 1928.
(1) terme utilisé à l’époque pour indiquer la nature d’une piste susceptible d’être utilisée par des camions ou autres véhicules.
© 2008-2017 by Jacques Gandini. Tous droits réservés.
Si vous désirez reproduire nos textes ou nos photos, ayez l’amabilité de bien vouloir nous en demander l’autorisation. Dans tous les cas vous aurez obligation d’en indiquer l’origine.
Conception, réalisation, maintenance : Serre Éditeur, 23 rue de Roquebillière - F06359 Nice Cedex 4 (France)