Un Cercle comprenait un certain nombre de Circonscriptions, d’Annexes et de Postes.
La Circonscription était généralement une grande Annexe, dont relevaient un ou plusieurs Postes.
L’Annexe était la véritable “cellule” du système. Elle était ce que l’on appelait communément le Bureau des A.I.
Les Bureaux de Territoire, Bureaux de Cercle étaient en fait des Annexes dont les officiers, en plus de leur travail propre à l’annexe, secondaient le chef de Territoire ou de Cercle dans sa gestion territoriale.
Le Poste, dernier échelon de cette hiérarchie, était en vérité, une petite Annexe, plus ou moins importante suivant son étendue et la tribu ou fraction de tribu qu’il administrait. Mais le chef de Poste n’avait pas de crédit à gérer. Les dépenses qu’il était amené à faire, étaient réglées par le Bureau dont il dépendait.
Issus du service des Affaires Indigènes, les goums encadrés par des officiers de ces mêmes A.I. et par des sous-officiers français et marocains, étaient des “levées” de guerriers, tous volontaires. Personne, Marocains ou Français, n’a jamais servi dans une telle unité sans l’avoir tout particulièrement choisie; et c’est ce caractère si personnel et humain qui en a fait l’originalité et la valeur.
Au côté de leurs officiers, les sous-officiers de goum constituaient un encadrement d’élite, de grande valeur humaine. Ils se disaient volontiers, peu conformistes, contestataires, grognards modernes, alors qu’en réalité ils consacraient leur carrière à “leur” goum, à “leur” section et à “leurs” goumiers, en ayant choisi une existence rude mais exaltante au contact d’une nature âpre et sauvage qui les avait conquis : le bled.
En souvenir de tous leurs faits d’armes, une plaque de marbre, apposée dans la cour d’honneur des Invalides, porte l’inscription suivante : A la mémoire des 4.300 officiers, sous-officiers et hommes de troupe français et marocains des Goums et des Affaires Indigènes du Maroc, tombés au champ d’honneur. Maroc, Algérie, Tunisie, Italie, France, Allemagne, Extrême-Orient. 1908-1956.
La responsabilité du sergent de goum, chef d’une section de 36 goumiers, était autre que celle d’un sergent de tirailleurs marocains, chef seulement d’un groupe de 12 hommes. L’adjudant du goum jouait un rôle primordial car, implicitement, sauf en opération, il commandait le goum. En effet, le commandant du goum, souvent un jeune lieutenant, absorbé par les lourdes tâches de chef de poste ou de chef de bureau des Affaires Indigènes : action politique, renseignement, administration des tribus, travaux d’intérêt public, chikaïas, etc., n’avait pas le temps matériel de se consacrer au commandement du goum comme pouvait le faire un capitaine de compagnie de tirailleurs vis-à-vis de son unité. Par ailleurs, la structure interne du goum était très éloignée de celle des troupes régulières. Les goumiers, originaires le plus souvent de la tribu où stationnait le goum ou de tribus réputées guerrières, s’engageaient pour un ou deux ans. Ils touchaient une solde mensuelle et se nourrissaient par leurs propres moyens. Ils avaient la faculté de vivre en famille à l’intérieur du casernement, le douar des mariés était séparé de celui des célibataires. Il était de tradition qu’un sous-officier arrivant au goum se retrouve obligatoirement muni d’une compagne indigène, en général celle du sous-officier précédemment muté. Le sous-officier devait être “marié” pour éviter les complications possibles avec les femmes des goumiers, assez fines pour deviner rapidement les avantages à tirer de leurs appâts auprès d’un Européen célibataire.
Les cavaliers s’engageaient avec leur monture personnelle, seuls, l’habillement (djellabah, gandourah, burnous, seroual, naïls à semelles de vieux pneus) et l’armement leur étaient fournis. Les sanctions, le plus souvent, étaient pécuniaires, retenues sur la solde et décidées par l’adjudant. La prison, en campagne, était le “tombeau” (le prisonnier couché sans bouger sur le sol, sous sa toile de tente individuelle dressée). Pour les fautes très graves, le goumier était exclu du goum, même en cours d’engagement. Les sous-officiers étaient l’âme du goum. Volontaire et provenant des troupes régulières, le sous-officier devait être accepté par le colonel commandant les goums. Il était alors incorporé dans les forces supplétives des goums mais restait en surnombre dans son régiment d’origine. Il demeurait dans cette situation pendant toute la durée de son appartenance aux goums et au Makhzen. Responsable de sa section, le sous-officier contrôle l’armement, les munitions, les équipements et l’entraînement au tir et à la marche. Comme les officiers, il est averti à avoir à apprendre l’arabe dialectal et le berbère rapidement et s’il n’y arrive pas, il est renvoyé à son corps d’origine. Le goum comprend normalement six sous-officiers dont un adjudant ou adjudant-chef; le rôle de celui-ci est primordial; il préside la popote, y maintient l’ambiance, surveille les chefs de sections ou de pelotons, les conseille, surveille la distribution des vivres, la tenue des équipements, des armes, des munitions et il tient les registres des comptabilités. Pour se perfectionner en arabe, le nouvel affecté passe ses soirées avec les goumiers célibataires de sa section. L’action reste soutenue, le métier s’apprend vite. Le rôle du sous-officier vise à faire de son unité une force militaire à la disposition de l’officier des A.I. qui peut alors s’adonner à sa tâche politique et qui leur confie, travaux, exercices d’instruction et même certaines sorties. De ce consensus particulier, brièvement exposé, en marge des règlements militaires en vigueur dans l’armée régulière, le sous-officier de goum, fier de son képi bleu-ciel et de son burnous bleu, se sentait supérieur à son collègue des tirailleurs marocains.
La troupe pendant les opérations de pacification
Le goum. Un goum comprenait une cinquantaine de cavaliers et cent cinquante fantassins, une partie des cadres était française. Contrairement au makhzen, dans un goum en poste, on ne trouvait pas de locaux ou de frontaliers ni de nouveaux soumis. Dans le goum, le grade de moqadem était équivalent à celui de sergent ou de maréchal des logis et celui de maoun correspondait à brigadier ou caporal. A la fin d’un combat, les prises - le butin si l’on préfère - appartenaient de droit aux goumiers. C’était un des avantages en nature qui corsait à l’occasion leur maigre solde. L’aubaine était parfois mince; il n’était cependant pas question de les en priver. Djellabas, sandales, gandouras, gibecières, poignards, tout était mis en tas, compté et loti. On ne laissait aux morts que le tchamir, la chemise, dans laquelle ils allaient être ensevelis. Chaque section, chaque escouade avait sa part et nul ne se trouvait lésé. Beaucoup n’avaient qu’un objet sans valeur... mais c’était le témoignage de leur victoire au combat et ils y tenaient.
Le makhzen. Un makhzen comprenait un nombre variable de cavaliers et de fantassins dits mokhaznis, les cadres étaient tous Marocains. Volontaires les uns et les autres comme toutes les troupes marocaines, ils vivaient avec leurs familles auprès des postes et des tribus. Les goumiers portaient une djellaba de bure rayée, les mokhaznis un burnous bleu clair. Les cadres français portaient un képi bleu ciel aux galons d’or, antérieurement réservé aux Sahariens. Tous cadre et troupe portaient au baroud la rezza (turban) blanche ou rayée de jaune.
Le groupe mobile. Les groupes mobiles ont été imaginés par Lyautey. Légers et rapides par opposition aux divisions d’Europe, trop lourdes et rigides, ils comportèrent un ensemble d’unités des différentes armes, bataillons d’infanterie, escadrons de cavalerie, batteries d’artillerie, mais aussi un panachage entre unités françaises, marocaines, légionnaires, algériennes (tirailleurs algériens) et africaines (tirailleurs sénégalais et mêmes malgaches). Ils furent à l’origine de tous les groupements tactiques interarmes constitués au combat par toutes les armées modernes.
Les Goums du Territoire du Ouarzazate
Défilé du 10ème Goum à Ouarzazate
Archives Balmigère
En 1932, les goums sont implantés comme suit :
Goums du Dadès
- 32ème Goum... Aït Ouaritane (Todgha), capitaine Paulin,
- 36ème Goum... Tinerhir et Todgha qui a construit le poste de Kelaa des Mgouna, lieutenant Beaurpère,
- 39ème Goum... Bou Malne (appelé à l’époque Bou Malem), venu de Telouet, lieutenant Roche,
- 14ème Goum... Imiter, lieutenant Tivolle.
A la fin de l’été, ces quatre goums seront engagés dans le Groupe Mobile de Marrakech pour les opérations de réduction de la Tache de l’Atlas central.
A la fin de l’année 1932, toute la vallée du Mgoun et le district de l’Oussiki dans celle du Dadès, s'étaient ralliées au Maghzen sans combat. L’importance du terrain conquis depuis l’occupation du Todgha amèna le Commandement à transformer le Cercle de Ouarzazate en Territoire, sous les ordres du lieutenant-colonel Chardon. Le Cercle de Ouarzazate restait un cercle et un nouveau fut créé à Bou Malne pour contrôler la vallée du Todgha et celle du Dadès. Ce Cercle, dit du Dadès-Todgha fut placé sous le commandement du chef de bataillon Pommier.
Goums du Drâa
- 10ème Goum... Ouarzazate, venu de Zoumi en 1929
- 20ème Goum... Aït Ben Haddou, venu de la Kelaa de M’dez en 1930
- 25ème Goum... en camp volant chez les Mezguita dans l’oued Drâa, venu d’Ahermoumou
- 34ème Goum... Agdz, venu de la kelaa des Beni bou Koura.
A Foum Zguid
- 35ème Goum... venant du poste de Tazenakht
Foum Zguid 1951. Le bordj et la caserne du goum.
Le hakem en tournée
Chikaya, tertib, travaux, ces multiples obligations imposaient au hakem une forte présence dans tous les secteurs de son territoire. Les directives officielles lui prescrivaient d’ailleurs des tournées fréquentes en tribu. Il les faisait à cheval, non seulement parce que les routes étaient rares, mais parce que les officiers des A.I. avaient créé une sorte de tradition. Les tournées prenaient donc la forme de chevauchées campagnardes.
André Hardy
L’occupation progressive des ksour des palmeraies du Territoire de Ouarzazate exigea des goums un effort continu. Pendant que le chantier de la piste s’allongeait jour après jour, les officiers se livraient à un travail politique intense, appuyé par de nombreuses reconnaissances sur le territoire des tribus qui n'étaient pas encore officiellement ralliées. Ainsi, de bivouac en bivouac, l’influence des équipes du colonel Chardon s’étendit en même temps que la piste avançait. Tâche ingrate qui pouvait décevoir certains jeunes officiers avides d’aventures, bouillant d’une ardeur mal contenue et rêvant de combats héroïques et de gloire militaire. Pas de brillants faits d’armes, pas de mentions élogieuses à leur actif dans les rapports d’opérations, alors que dans d’autres parties du Maroc, les goums étaient en train de conquérir le terrain les armes à la main.
Au fur et à mesure que les goums s’enfonçaient vers le Sud, le climat devenait de plus en plus pénible, le pays plus hostile. La vie perpétuelle des camps volants n’était pas celle des goumiers de l’Atlas, montagnards habitués à retrouver, au retour du baroud, leur gourbi et leur famille. Au contraire, sur les pistes du Drâa, ils étaient contraints de vivre en célibataires et de laisser femmes et enfants en tribu. Une grande abnégation était également nécessaire aux cadres français qui trouvaient leur vie plus pénible et moins glorieuse que celle de leurs camarades des goums de montagne, alors qu’ils étaient à la peine et jamais à l’honneur : récompenses et citations allaient à ceux qui faisaient la guerre et non à ceux qui dirigeaient les chantiers des pistes.
Extrait de l'ouvrage de Jacques Weygand : Goumier de l'Atlas. Ed. Flammarion 1954
Il y a une œuvre à laquelle se sont attachés les A.I., c’est la formation des futurs officiers marocains à l’école de Dar el Beïda, dont le directeur et les instructeurs étaient des officiers des A.I. Ces jeunes goumiers choisis avec soin sur le terrain lors du baroud furent les futurs officiers, d’abord des régiments marocains pendant la Seconde Guerre mondiale et en Indochine, puis de l’Armée Royale après l’Indépendance.
Cette autre institution fut créée en faveur des fils de goumiers marocains tués au combat. Il était géré par le commandement des goums à Rabat, associé à l’Instruction Publique car il y avait plusieurs classes. Les enfants, dont le nombre varia de 30 à 50, étaient pensionnaires; leur âge allait de 7 à 14 ans.
Jusqu’à la fin du Protectorat, M. et Mme Heitz dirigèrent l’établissement. Ils avaient l’estime de tous les gens des tribus et après 1956, continuèrent tranquillement à vivre dans la région. Ayant des très modestes moyens, malgré les services rendus, ce fut les Marocains qui assurèrent leur subsistance. M. Heitz mourut au Maroc et fut enterré à Ahermoumou.
Lors de l’Indépendance, l’orphelinat devint tout naturellement une école destinée à former les sous-officiers de l’Armée Royale.
A LA GLOIRE DES GOUMS MAROCAINS
ET DES FORCES SUPPLETIVES
© 2008-2017 by Jacques Gandini. Tous droits réservés.
Si vous désirez reproduire nos textes ou nos photos, ayez l’amabilité de bien vouloir nous en demander l’autorisation. Dans tous les cas vous aurez obligation d’en indiquer l’origine.
Conception, réalisation, maintenance : Serre Éditeur, 23 rue de Roquebillière - F06359 Nice Cedex 4 (France)