Mis à jour : mercredi 15 août 2012 11:43
Ceux qui ont fait le Maroc...
Vers 1912 débarquait au Maroc Jean Mazères, Béarnais d’excellente souche, d’apparence cossue et de commerce agréable. Il venait pour les besoins de son industrie familiale, chercher de la laine dans ce pays fécond en toisons moutonnières.
En 1914, il possédait pour ses tournées de prospection et de ramassage un vaste camion, puis rapidement un deuxième. A la même époque, les troupes françaises étaient ravitaillées au moyen d’arabas, des charrettes militaires qui ne facilitaient pas l’avance des opérations de la pacification du pays qui débutait.
Un jour de 1915, il fut sollicité par l’administration militaire pour effectuer quelques transports urgents. Jean Mazères, qui avait le goût de l’aventure et du risque, y consentit volontiers : mais à peine revint-il d’une mission qu’on le priait d’en accomplir une autre. Le maréchal Lyautey, en personne, lui demanda de continuer sa collaboration avec l’Armée. Dès lors, les paquets de laine purent s’accumuler dans les kasbahs et les souks, Jean Mazères ne revint plus les enlever.
Pris dans un engrenage où l’entraînaient un peu plus chaque jour sa nature aventureuse, l’irrésistible magnétisme de troupes makhzen et le sentiment du devoir, Mazères se transforma en industriel des transports. Il participa à toutes les opérations de pacification du Nord du maroc.
Il essaima ses camions sur toutes les routes, sur toutes les pistes et aussi bien là où il n’y avait ni routes, ni pistes, ni cartes même qui permissent avant d’embrayer de savoir sur quel sol, vers quels mystères s’élançaient ses conducteurs. De Bou Denib au Tafilalet, du Tafilalet à l’Atlas, les roues de ses camions tracèrent la première ligne de pénétration du Sud, tant sur les hammadas pierreuses que dans les sables des oueds et des palmeraies des Confins algéro-marocains.
En 1919, Jean Mazères était devenu un important personnage qui traitait d’égal à égal avec le Protectorat et pouvait classer dans ses papiers son premier marché général pour tous les transports de la pacification.
En 1922, son affaire était si importante qu’il jugea bon de la monter en société; c’est ainsi que naquit la Compagnie Africaine de Transport (C.A.T.). Malheureusement il mourut en 1925, regretté de tous.
Archives Daniel Rodier
Après la mort de Jean Mazères, les convois continuèrent de rouler sous la responsabilité d’hommes d’expérience. Malgré la concurrence qui pensait profiter de sa disparition, d’admirables équipes de conducteurs et de graisseurs continuèrent à parcourir le Maroc du Nord au Sud, ravitaillant tout le monde, militaires et civils, Européens et Marocains, avant-postes, kasbahs, ksour et souks.
Archives Pierre Bonardi 1932
Mais le métier était aussi riche en périls que les opérations militaires elles-mêmes. Dans les relais du Sud, la C.A.T. avait affiché ce tableau d’honneur :
TRANSPORTS MAZÈRES et
COMPAGNIE AFRICAINE DE TRANSPORTS
Chauffeurs tués ou blessés en colonne
ravitaillement des postes avancés
1919
Section de Bou Denib
Otto BAUMAYER, tué à Hassi Krouia, le 15 juin,
Mohamed HADJ, tué à Hassi Krouia, le 15 juin,
Adolphe FORNER, blessé le 15 mai.
1921
Section de Meknès
Auguste AOUST, tué à Timhadit, le 3 juillet,
Claudius BASSET, tué à Timhadit, le 3 juillet,
RIVES-LANGE, blessé grièvement à Timhadit le 2 juillet.
Section de Bou Denib
Raphaël DOMINGUEZ, tué à l’oued Kovider, le 7 septembre,
LAHOUSSINE, tué à l’oued Kovider, le 7 septembre.
1923
Section de Meknès
Pierre ARQUER, tué à Lalla Mina d’Engil, le 2 septembre,
HUBERT, blessé très grièvement à Engil, le 7 septembre,
Eugène BENEZECH, blessé à Engil, le 7 septembre,
Jean MARID, blessé à Engil, le 15 septembre.
Jean BARCELO et son épouse, tués à Bir Tamtam, le 25 septembre
1926
Section de Bou Denib
Amado ROMERO, tué à l’oued Kovider, le 23 novembre
1928
Section de Bou Denib
Honoré PERLINI, tué à Hassi Krouia, le 9 avril,
Théodore DAIGRE, tué à Hassi Krouia, le 9 avril.
Extrait de : La marche pacifique, par Pierre Bonardi. Editions des Portiques 1932
Archives Pierre Bonardi 1932