Jean Ravennes. Extrait de : Aux portes du Sud - le Maroc. Editions Alexis Redier 1931
Nous devons quitter Ouarzazate, protégés par des autos mitrailleuses, car un fort djich est signalé à trente kilomètres de notre itinéraire. Au dernier moment, cependant, une panne retarde notre escorte et nous hésitons à entreprendre seuls vingt heures de piste dans la hammada désolée et les passes encore mal connues du Siroua.
- Inutile d’attendre, ordonne le chef de poste. L’effet moral, le seul qui compte, a été envoyé hier soir; les nouvelles vont vite ici; des indigènes, des cavaliers errants ont vu faire le plein des autos de fer; une heure après tout le désert était averti, personne ne se montrera aujourd’hui.
Personne ne s’est montré. Sur ces mortels espaces, nous n’avons rencontré, pendant les premières heures, que quelques colporteurs juifs, suivant leurs ânes chargés, et une fois, au loin, une de ces tentes plates de nomades, dont les grandes bandes sombres sont cousues bord à bord. Puis plus rien, 50° à l’ombre.
La voiture, petit four irrespirable, bondit sur la steppe d’alfa où serpentent d’anciennes traces; puis il faut s’arrêter pile au virage d’une étroite corniche qui pend dans un abîme lunaire. C’est la piste, rapidement ouverte et taillée par les compagnies de Légion, la piste qui épouse les moindres ressauts du terrain, fonce dans les gorges, en jaillit droite comme un mur, pour se perdre ensuite dans l’erg où nul repère, nul signe au lointain ne vous aide à la retrouver. Rude course de secousses et de grincements; à chaque instant, il semble que tout va se rompre; mais, décidément, on fabrique aujourd’hui de bons aciers.
Des cuvettes blanchies par les dépôts salins entourent Tazenakht, dernier poste avant un trou de deux cents kilomètres où il faudra se lancer à l’aventure.
Mai 1931. Sur un mamelon, quatre murs blanchis à la chaux comme les petits bâtiments qu’ils abritent; une porte organisée pour la défense, entre deux piliers où flottent côte à côte les couleurs françaises, et le pavillon rouge étoilé de vert du Makhzen, dont la pointe embroche la boule dorée du Prophète, tel est ce poste type des confins de la dissidence. Enfermé avec quelques cavaliers indigènes du goum local, un unique officier, dit de renseignements, y vit à l’arabe, recevant les chioukh (1), étendant peu à peu notre influence par son habileté politique, par amour surtout du pays et des gens également farouches. Terré les premiers mois comme dans une cellule, il parcourt bientôt plus librement la contrée à mesure que son autorité morale grandit; on ne lui en donne pas d’autre, de peur d’aventurer notre prestige et souvent on ne le soutient pas. Âpre vie solitaire, où ne réussissent que ces apôtres du bled, qui se transforment souvent en apôtres tout court; les gens de la trempe du Père de Foucauld, et qu’une même vocation sollicite, ne sont pas rares, ici, dans le terrible silence des années ajoutées aux années; certes, ils ne font point de prosélytisme religieux; mais ils apprennent à dominer les âmes, dans un renoncement absolu d’eux-mêmes.
La première piste pour la vallée du Drâa passait par Tazenakht...
Lieutenant Gérard de Chomereau
Saint-cyrien de la promotion “Mangin” 1931, ancien chef du bureau des A.I. de Tazenakht.
Vers le Sud. Le 1er octobre 1931, le colonel Chardon procéda à l’installation d’un poste accessible par une piste dans l’oasis de Foum Zguid; celui-ci verrouillât le passage vers la vallée du Draâ.
De Ouarzazate, pour gagner le Souss, Taroudant et Agadir, la piste, partant du poste des Aït Ben Haddou, reçut un pont métallique à trois travées de 27 mètres d’une longueur totale de 82 mètres, œuvre du Génie militaire, pour franchir l’oued Iriri.
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