1951. Vue sur la redoute de Ouarzazate côté plateau.
70 ans plus tard, les maisons avec leurs pignons particuliers sont toujours là.
La rambarde de bois est également d'époque Protectorat.
La légende au dos de la photo indiquait : 4e R.E., Poste de Ouarzazate 1932.
Au premier plan à droite, le cimetière
Défilé légionnaire rentrant à la caserne
1946. Dessin d'un légionnaire allemand
Les casernements du REC en 1935
Approvisionnement au souk
Une autre annexe
Mauclair Camille : Les couleurs du Maroc. Ed. Bernard Grasset 1933
Voyage effectué en 1932
Et enfin à l’horizon, se rapproche une autre butte rose de granit que nous contournons jusqu’à déboucher sur une plate-forme où nous accueillent des tirailleurs noirs, des goumiers, des officiers en tenue kaki. Des garages de camions, des tentes dressées, des magasins militaires, des canons de 75 sous leurs bâches, un bâtiment central pour les services d’Etat-major : c’est Ouarzazate, le dernier poste et le dernier grand ksar important sur le chemin de l’inconnu et du risque.
Le colonel nous y accueille avec affabilité. Il y a des chambres pour les hôtes, et nous partagerons le menu du mess. Mais nous déclinons l’offre, malgré toute la bonne grâce, nuancée chez de jeunes capitaines d’une ironie imperceptible et que je perçois pourtant, et comprends. Ces homme d’élite, qui mènent ici une dure vie, se méfient un peu du touriste aux questions maladroites et plus encore de l’homme de lettres qui passe en amateur pour trouver un sujet de copie faussement pittoresque...
Atelier de réparation Auto. Ouarzazate 1938
André Armandy. Extrait de : Hommes de roc, forteresse d’argile. Librairie Alphonse Lemerre, Paris 1936
Voyage effectué probablement en mai 1934
Puis la piste s’assagit, se redressa, et nous vîmes apparaître, au bout d’une longue chaussée pierreuse que balayait le vent crépusculaire, un poste militaire édifié sur un mamelon. Nous arrivions à Ouarzazate.
L’enceinte du poste, assez vaste, s’était heureusement inspirée du style des kasbahs locales. On y accèdait entre deux grandes tours flanquées de hauts murs crénelés. Le style des baraquements intérieurs ne relèvait que du Génie militaire.
Nous étions attendus. En l’absence du chef de poste - un colonel des Affaires Indigènes qui s’occupait de la question d’Ifni - un commandant d’état-major nous accueillit avec la cordialité coutumière, et nous fit conduire par un goumier jusqu’aux chambres de passages. Elles étaient claires, propres, et leurs lits excellents. Un balcon leur était commun, d’où l’on dominait le pays et la palmeraie poussiéreuse qui pousse aux alentours de l’oued.
La situation de Ouarzazate à la jonction du Drâa, sur la frontière d’une zone trop fraîchement pacifiée pour l’être tout à fait, et que pour cela même on qualifiait de “zone d’insécurité”, en faisait une position emportante. Un bataillon du 4ème Étranger y tenait garnison. Nous devions être ce soir-là les hôtes des officiers de la Légion.
La nuit tombée, l’un d’eux vint nous chercher pour nous conduire au mess. Le commandant, marié, s’était fait excuser en nous priant chez lui pour le lendemain soir. Le président de table, capitaine adjudant-major, un garçon décidé, solide et de taille athlétique, se chargea des présentations.
Solides, tous l’étaient dans cette phalange d’officiers. Jeunes aussi, et non moins décidés; tous aussi aptes à commander le feu qu’à l’échanger, s’il en était besoin, le coup de poing. De rudes hommes qui, ne boudant point à la tâche, ne mâchaient point non plus les mots. L’un d’eux s’était tout récemment fendu la tête dans un ravin où l’avait entraîné son cheval. Le cheval s’y était tué, le cavalier assistait au dîner, le tête entourée de bandages. Des hommes !
Le mess : une salle assez grande, dans l’angle de laquelle ils avaient installé un bar. A en juger par la batterie de bouteilles rangées sur les tablettes, le rôle du barman n’était pas une sinécure. Ils nous le prouvèrent d’ailleurs en décrétant que trois apéritifs étaient de règle à la Légion.
La popote était décorée de façon amusante. J’examinais les murs où s’épanouissant librement une frise assez leste. On ne pouvait s’y tromper : l’auteur de ces pochades était celui qui avait illustré cette page du livre d’or de la cantine Tournellec sur la route du Tizi n’Test où mon compagnon de voyage avait calqué le dessin.
... Le repas continuant, les bouteilles se succédant, au dessert, on y substitua du champagne, puis des alcools qu’accompagnèrent les cigares. La conversation s’affranchit. Tout naturellement, elle s’orienta sur les femmes : - Alors, jamais d’extra ? Toujours le brouet indigène ?
C’étaient des soldats, des guerriers. La question de la femme se résumait pour la plupart d’entre eux à la satisfaction d’un besoin purement physique où le sentiment n’avait aucune part. Ils défendirent leur brouet : - Si simple ! Si aisément persuadé ! Si docile ! On se déshabitue de l’Européenne, à la longue, au point d’y renoncer lorsque l’occasion se présente. Avec elle, il faut s’attacher, ou tout au moins faire semblant. Ce n’est pas hygiénique ici pour le moral du soldat.
... Le lendemain, sur les quatre heures, un officier de la Légion vint nous chercher pour visiter le camp de la 9e compagnie, qui logeait sous tente.
Un dur coup de chergui balayait Ouarzazate. Les cimes des palmiers pliaient sous la rafale comme des parapluies retournés, les tentes claquaient comme des voiles, et le sable nous aveugla.
Un lieutenant nous fit rentrer sous sa guitoune. Un petit lit de fer; des étagères de bois blanc qui suppor-taient des livres; une natte et des cantines empilées.
... On m’emmena visiter la cuisine, puis la cantine des sous-officiers. Il fallut accepter de nouveau de la bière, entendre un disque du phono. Ces braves gens se distrayaient comme ils le pouvaient dans cette garnison de toile.
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