1931. La colonne Chardon à Foum Zguid
Mis à jour : mercredi 25 novembre 2015 16:52
Lorsque fut créé le poste de Ouarzazate, qui est véritablement le centre d’une étoile, le commandement était fondé à croire qu’il pourrait diriger de ce point une piste vers Agdz et la vallée du Drâa. Les difficulté du terrain l’ont momentanément obligé à faire déboiter, aux Aït ben Haddou, la piste qui, bifurquant à Tazenakht, desservira, par un double embranchement, le poste d’Agdz aux Mezguita et par Alougoum le futur bureau de Foum Zguid.
Ce dernier poste est situé à l’un des passages du Bani, la dernière chaîne montagneuse qui sépare le Maroc du Sahara. Le commandement poursuit l’occupation des cols et foum du Bani, de façon à les “verrouiller” et à les interdire aux nomades pillards du désert.
Le 3 mars 1931, une colonne légère, composée des 20ème, 34ème et 35ème goums, du groupe franc du RICM et de 300 partisans glaoua, aux ordres du colonel Chardon, ayant pour adjoint le lieutenant Spillmann, se concentre à Tazenakht pour reconnaître la vallée du Zguid et occuper Foum Zguid, cluse dans le jebel Bani, à une centaine de kilomètres au Sud.
Foum Zguid est atteint le 3 mars 1931, le colonel Chardon, venu à cheval d’Ammazer, à 55 kilomètres au Nord, avec ses troupes commence à installer le secteur. La reconnaissance et l’occupation de Foum Zguid se sont effectués sans tirer un seul coup de fusil. L'aménagement d’un terrain d’atterrissage est aussitôt entrepris; en douze heures tout sera réglé.
Le 6 mars, le général Huré, devenu commandant supérieur des troupes du Maroc, se pose en avion à Foum Zguid, avec neuf appareils. Le 35ème goum est désigné pour constituer la garnison du poste, à proximité du Bureau des Affaires Indigènes créé à Foum Zguid.
Le 18 avril, le groupement Chardon, de retour de Foum Zguid, quitte Agdz, fait étape chez les Aït Seddrat et pousse jusqu’au R'Bat du Tinzouline, recevant partout le meilleur accueil. Un terrain d’aviation est rapidement aménagé le 25 avril où le général Huré et son escadrille y reçoivent un accueil chaleureux de la part de plus de 5000 personnes, en majorité des sédentaires du Drâa mais aussi des représentants d’une fraction des Aït Atta, les Aït Ounir qui, sur la promesse que le Makhzen respectera leurs coutumes et leurs traditions, acceptent de se soumettre.
Au poste des goums de Foum-Zguid régneront les lieutenants Laennec et Kermadec, “officiers très bretons au service de la France”. La petite histoire raconte qu’ils faisaient hisser le dimanche, sur le bordj, l’Hermine de Bretagne
Paluel Marmont. Extrait de : Croix sur le sable. Nouvelle Société d’Edition 1932
1931. Le pilote Pierre de Rivière de la Mure écrit à sa mère :
... Nous avons été utilisés cette semaine par une opération militaire, toute pacifique d’ailleurs, qui vient d’avoir lieu en plein sud de Ouarzazate. On a été occuper une palmeraie, à 53 kilomètres en zone de dissidence, qui borde le Sahara et s’appelle Foum Zguid. L’avance avait été préparée politiquement par les Affaires Indigènes et a pu ainsi se faire avec des goums, des partisans et des groupes francs, san l’intervention de troupes régulières.
Jeudi les troupes étaient arrivées à la palmeraie et préparaient un terrain d’atterrissage tout en recherchant l’emplacement d’un poste.
Puis, le matin, cinq avions d’ici et quatre de Marrakech, dont l’un transportait le général Huré, commandant la région de Marrakech, sont partis atterrir à Foum Zguid. Pour que cette méthode réussisse, il fallait que le terrain soit rudement bien préparé politiquement.
J’étais du voyage. nous avons donc tous atterri là-bas et avons été reçus par toutes les troupes de la colonne. Le général Huré avait amené de Marrakech une caisse de champagne à laquelle nous avons tous fait honneur. Puis nous sommes rentrés déjeuner à Ouarzazate.
En plus de cela, naturellement, nous avons volé tous les jours, les uns ou les autres, pour exercer une surveillance autour de la colonne. Le sirocco souffle très fort malheureusement toutes les après-midi depuis trois jours.
Cette palmeraie de Foum Zguid se trouve juste au sud d’un étroit défilé qui livre passage à un oued à travers la dernière chaîne de montagnes, peu haute, qui précède le Sahara. Demain et après demain, on va encore survoler cette région, afin de protéger cette fois le retour de la colonne.
La semaine prochaine, il doit encore y avoir une autre opération du même genre...
Les émigrés harratines du Sud
Source :
Revue du Touring Club de France, janvier 1933, extrait d’un article de Jean Gattefossé sur un voyage effectué en mai 1932.
Au delà de Tazenakht, la piste grimpe à l’assaut du Tifernine par de nouvelles gorges profondes et sauvages, où l’écho multiple répercute en bruit de tonnerre le passage de notre voiture; mais, au cours d’un arrêt, nous entendons les chants des émigrants draouis, enflés par l’écho en un chœur formidable et désordonné. Ce sont surtout des femmes et des enfants qui parcourent ainsi la route à pied, les hommes s’étant empilés dans des cars pour gagner du temps. Le car, malgré son inconfort coûte cher, et les femmes ne sauraient prétendre à un pareil luxe.
Il faut les avoir vues, les pieds blessés, vêtues de haillons de khent indigo et amaigries par la fatigue, traînant leur marmaille ahurie, pour se rendre compte de l’énergie que réclame des Harratines l’exode périodique vers les moissons marocaines. Quand on voit les “femmes bleues” travailler en Chaouïa ou même dans les plaines à blé du Saïs, entre Meknès et Fès, il faut se rappeler les souffrances de l’exode sur les pistes et les sentiers du Sud sous un soleil de plomb pendant près de 1000 kilomètres et savoir que ce trajet est accompli par elles, généralement deux fois par an, pour passer seulement quelques mois d’été au travail dans les moissons du Nord.
Beaucoup de ces gens meurent en route, et seule l’insuffisance de nourriture, pendant l’été, dans le Drâa surpeuplé, peut expliquer ce phénomène racial vraiment déconcertant.